samedi 28 septembre 2013

"L'émergence d'un 4ème âge peut entraîner un accroissement de la pauvreté"

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le 17 décembre 2010 à 12h18 , mis à jour le 23 décembre 2010 à 18h16.
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SANTÉSelon un rapport de l'Institut national d'études démographiques (INED), l'espérance de vie progresserait de trois mois par an dans les pays industrialisés. Les explications de Jacques Vallin, co-auteur de l'étude...
TF1 News: Selon votre étude , les générations futures pourraient vivre jusqu'à 100 ans. Bonne ou une mauvaise nouvelle ?
Jacques Vallin : Pour moi, c'est une nouvelle extrêmement positive. Cela fait des siècles que l'humanité cherche à trouver des solutions pour vivre plus longtemps. L'allongement de l'espérance de vie est d'ailleurs la conséquence d'une lutte acharnée de l'homme contre la maladie et la mort. Mais il est vrai que cet allongement ne va pas sans quelques problèmes d'ordre sociaux et économiques.
TF1 News: Quels sont-ils ?
Jacques Vallin: D'un point de vue économique, l'un des problèmes majeurs est celui de la retraite. La dernière réforme le montre bien. L'allongement de la durée de vie bouleverse la répartition des classes jeunes, adultes, et âgées. Comment la société va-t-elle s'organiser dans les années à venir? Cette question représente un des grands enjeux de demain.
D'un point de vue social, le problème est l'émergence d'un quatrième âge. L'augmentation des "très vieux" parmi les "vieux" peut entraîner un accroissement de la pauvreté et de la dépendance . S'engage alors une course de vitesse entre les progrès faits dans la santé et la transformation de la pyramide des âges.
TF1 News: Les personnes âgées risquent-elles de représenter à terme la majorité de la population ?
Jacques Vallin : Pas d'affolement pour l'instant : en France, les personnes âgées (65 ans selon les critères traditionnels) ne représentent que 20% de la population globale. Et même si l'on se projette dans l'avenir, leur proportion n'excédera pas les 30%. Pour certains, cette perspective est gênante. Ils s'imaginent que les "vieux" finiront par imposer leur vision du monde. Personnellement, je me méfie des généralités. Certains soixante-huitards, aujourd'hui âgés, sont moins conservateurs que les nouvelles générations.
TF1 News: Votre étude le confirme, les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes. Comment l'expliquez-vous ?
Jacques Vallin : Trois raisons expliquent ce phénomène, même si l'écart hommes/femmes tend à se réduire depuis une quinzaine d'années. La première est biologique : la femme semble être dotée d'un organisme plus robuste que celui de l'homme. La deuxième est comportementale: les hommes boivent, fument, conduisent des automobiles. J'appelle cela les vices de l'homme. Enfin, les femmes sont mieux préparées aux progrès sanitaires. Elles prennent soin de leur corps et adoptent plus facilement des régimes alimentaires contre les maladies cardio-vasculaires. 
TF1 News: Pensez-vous qu'il existe une limite d'âge infranchissable?
Jacques Vallin : La seule limite d'âge que l'on connaisse pour l'instant est 122 ans, l'âge auquel Jeanne Calment est morte. Mais cette dernière représente un cas exceptionnel. Aujourd'hui, la moyenne d'espérance de vie chez les femmes est de 85 ans. Alors, entre 85 et 122 ans, il reste une grande marge. On doit faire encore beaucoup de progrès dans la santé pour rapprocher l'espérance de vie moyenne à celle du supposé maximum (122 ans). Est-ce que ce maximum est un verrou que l'on peut faire sauter? Cela supposerait des innovations technologiques majeures dont on n'arrive même pas à définir les contours aujourd'hui.
 
Espérance de vie
Selon l' étude de l'INED publié jeudi 16 décembre, une femme vivrait en moyenne 85 ans et un homme 78 ans. Comparé au XVIIIe siècle, nos contemporains vivraient donc trois fois plus longtemps : en 1750, l'espérance de vie se situait autour de 27 ans. Ces nouvelles données laissent présager que les générations futures vivront plus de 100 ans.
L'étude montre que les limites de la biologie humaine sont aujourd'hui inconnues. Les prévisions des démographes se sont souvent révélées fausses. A la fin des années 1920, Louis Dublin avait calculé que l'espérance de vie des femmes ne pourrait jamais dépasser 64,7 ans. Un quart de siècle plus tard, Jean Bourgeois-Pichat situait cette limite à 78,2 ans. A la fin des années 1980, Jay Olshansky la fixaient à 85 ans, niveau dépassé aujourd'hui par les Japonaises.
Cette étude se base sur l'espérance de vie des plus de 80 ans. Plus pertinente, cette méthode se distingue des études classiques qui englobent la totalité de la population.